Mon parcours qui ne doit rien au hasard

Par Eric Le Reste, Coordinateur des activités Brahma Kumaris au Canada

La compassion d’un jeune garçon et sa désillusion grandissante

Photo d'Eric Le Reste

J’ai grandi en France, mais j’ai toujours été profondément touché par les souffrances dont j’étais témoin dans le monde. Les animaux occupaient une place particulière dans mon cœur, et mon ambition première était de devenir vétérinaire afin de consacrer ma vie à leur bien-être. Cette compassion s’étendait également à la condition humaine. À l’âge tendre de quatorze ans, je me souviens avoir pris conscience des guerres et des injustices qui ravageaient notre planète. J’éprouvais un profond sentiment de perte, une perte de dignité et de noblesse humaines. Cette prise de conscience a alimenté une colère juvénile et un désir de changement réel.

Cependant, cet idéalisme s’est rapidement heurté à une dure réalité. Ma famille était catholique pratiquante. Le décès soudain et dramatique de ma mère, alors que j’avais quatorze ans, a ébranlé ma foi jusqu’au plus profond de moi-même. J’avais été un bon catholique, récitant mon rosaire tous les soirs, et pourtant, la tragédie avait frappé. Lorsque j’ai cherché réconfort et compréhension auprès d’un prêtre, son explication de la volonté de Dieu m’a semblé creuse et profondément insatisfaisante. Dans mon chagrin et ma colère, je me suis senti trahi et, pendant de nombreuses années, j’ai tourné le dos à toute religion organisée.

Une « porte dérobée » inattendue vers le journalisme

La vie, cependant, a une façon étrange de nous mener sur des chemins inattendus. Après avoir réalisé que les longues années d’études nécessaires pour devenir vétérinaire ne correspondaient pas à mon besoin croissant d’avoir un impact différent, je me suis retrouvé au Canada. Je n’avais pas d’orientation précise, mais je savais que mes compétences en français pouvaient être un atout. J’ai envoyé mon CV à de nombreuses agences dont le nom comportait le mot « Canada » et, à ma grande surprise, la CBC, chaîne de radio et TV canadienne, m’a appelé. Ils avaient désespérément besoin d’un journaliste francophone temporairement. Mon anglais étant plutôt médiocre à l’époque, cela me semblait peu probable, mais je me suis dit : « Pourquoi pas ? »

C’était ma « porte dérobée » vers le monde des médias, comme on dit en France. C’était une époque où de telles opportunités se présentaient plus facilement qu’aujourd’hui. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes formidables qui m’ont pris sous leur aile, m’ont formé et ont éveillé en moi une passion que je ne soupçonnais pas. J’ai découvert le privilège immense d’être journaliste, d’être invité dans la vie des gens, d’écouter leurs histoires et de les partager avec un large public.

Les liens étroits entre profession et spiritualité

Des années après ma désillusion religieuse, j’ai découvert la méditation. Cette pratique m’a ouvert un nouveau champ de réalisation personnelle et m’a aidé à comprendre que la spiritualité transcende les frontières de toute croyance. Il m’est apparu clairement que la véritable spiritualité réside dans les valeurs humaines et dans une connexion profonde avec soi-même.

Cette base spirituelle m’a été très utile pour naviguer dans l’environnement souvent stressant et politiquement chargé du journalisme télévisé. Mes collègues ont souvent remarqué mon calme au milieu du chaos, me surnommant « le yogi de la salle ». La méditation et une meilleure compréhension de moi-même m’ont apporté un ancrage indispensable. Cela m’a permis de réagir au monde avec plus de clarté, en particulier lorsque je couvre des événements difficiles et souvent négatifs.

À l’inverse, ma vie professionnelle a ancré ma spiritualité, la rendant pratique et réelle. Les interactions quotidiennes, les défis liés aux délais serrés et la responsabilité de raconter des histoires percutantes m’ont permis de rester connecté au monde et m’ont empêchée de devenir trop détaché ou trop idéaliste.

Pour moi, ma vie professionnelle et ma vie spirituelle sont intimement liées, chacune soutenant et enrichissant l’autre.

Le pouvoir de la narration et la quête de l’espoir

Mon travail avec Images and Voices of Hope* a renforcé ma conviction que la narration a le pouvoir de transformer les choses. J’ai appris que, s’il est essentiel de rendre compte des réalités du monde, il est également de notre responsabilité de rechercher et de partager des histoires qui inspirent l’espoir et le changement positif. L’objectif ne doit pas être simplement de mettre en évidence ce qui ne va pas, mais de susciter le désir d’un avenir meilleur.

Témoigner de l’impact que les documentaires et les récits personnels peuvent avoir sur les individus a été incroyablement gratifiant.

Aujourd’hui, combinant mes rôles de producteur et de chercheur spirituel, je me sens empli de gratitude pour les tournants inattendus que ma vie a pris. Le parcours qui m’a mené d’un jeune garçon voulant sauver des animaux à un ‘conteur’ cherchant à inspirer l’espoir a été semé d’embûches, guidé par la compassion, une touche de rébellion et le pouvoir durable des liens humains à travers les histoires.

*Initiative visant à sensibiliser au rôle et la responsabilité de la narration utilisée par les medias

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